Des deux fils

Dimanche 27 septembre 2020


Evangile selon Saint Matthieu 21, 28-32 :

Ecouter l’homélie :


Frères et sœurs bien-aimés,

Alors que l’heure est aux vendanges et que dans nos campagnes on se partage le bourret fraîchement sorti du pressoir, la Liturgie nous donne à entendre une nouvelle parabole nous plaçant dans les vignes, celle des deux fils (Mt 21, 28-32). Dimanche dernier, alors que nous méditions la parabole des ouvriers de la onzième heure nous entendions le Seigneur conclure : « les derniers seront les premiers, et les premiers derniers » (Mt 20, 16). A l’école de Saint Grégoire nous avons approfondi cette finale : les derniers venus à la foi, c’est à dire les païens convertis au christianisme, précèderont les premiers venus à la foi que sont les Juifs que Dieu s’est choisi parmi tous les peuples afin de Se révéler au monde. En effet, en reconnaissant à la suite de l’Apôtre Pierre, que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant (Cf. Mt 16, 16), les derniers venus seront les premiers dans le Royaume de Dieu en raison de la perfection de leur acte de foi. La parabole des deux fils que nous venons d’entendre se situe dans la même logique. Pour l’approfondir enracinons-là dans son contexte. 

Enluminure, La parabole des ouvriers de la onzième heure

1. Le contexte de la parabole des deux fils

Dans l’Evangile selon Saint Matthieu nous voici à Jérusalem quelques jours avant la Pâque, celle où le Christ va offrir Sa vie en sacrifice sur le bois de la Croix. Il y a peu, le Seigneur monté sur un âne vient de faire une entrée triomphale dans la ville Sainte. Les acclamations pleuvent sur Son passage alors que la foule agite des rameaux : « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! » (Mt 21, 9). C’est alors, nous précise Saint Matthieu, que « toute la ville fut en proie à l’agitation, et se demandait : « Qui est cet homme ? » (Mt 21, 10).

Philippe de CHAMPAIGNE, Le Christ entrant à Jérusalem, 1630-35,
Eglise Royale Notre Dame du Val de Grâce, Paris

Cette question, les autorités religieuses ne vont pas manquer de la poser au Seigneur en suite du grand chambardement qu’Il vient de mettre sur le parvis du Temple. En effet, le Seigneur y chasse les marchands déclarant aux autorités : « Ma maison sera appelée maison de prière. Or vous, vous en faites une caverne de bandits. » (Mt 21, 13). Si le Seigneur chasse les marchands du Temple c’est que leur commerce se tient sur le parvis réservé à tous ceux qui ne sont pas issus du peuple Juifs mais qui souhaitent entrer dans l’enceinte du Temple pour y adorer le Dieu unique.

El Greco, Le Christ chassant les marchands du Temple, 1600, National Gallery, Londres, UK

C’est à l’intérieur du Temple où le Seigneur enseigne que les Grands Prêtres et les Anciens du peuple viennent l’interroger : « Par quelle autorité fais-tu cela, et qui t’a donné cette autorité ? » (Mt 21, 23). Le Seigneur leur livre alors pour toute réponse la parabole des deux fils que nous venons d’entendre.

2. L’interprétation universaliste de la parabole

Dans ce contexte, le premier fils – celui qui refuse de se rendre à la vigne, puis s’étant repenti finit par s’y rendre – est l’image des Nations païennes. Si ces Nations étrangères à la foi d’Israël font ici figures de fils ainé c’est qu’elles sont toutes issues de la descendance de Noé (Cf. Gn 10). En se repentant de leur mauvaise vie – loin de Dieu, de sa Loi comme de son Alliance – elles finissent, tel le fils prodigue, par revenir vers Dieu le Père qui s’en réjouit : « voilà que mon fils était mort et il est revenu à la vie » (Lc 15, 24).

Pompeo BATONI, Le retour du fils prodigue, 1773, Kunsthistorisches Museum, Vienne, Autriche

Le second fils de la parabole est alors l’image du peuple d’Israël ayant Abraham pour père. A l’appel de Dieu, le peuple élu a répondu qu’il allait œuvrer à la vigne du Seigneur mais au lieu d’aller annoncer aux Nations que le Sauveur viendrait, il s’est replié sur lui-même. Même le parvis destiné à accueillir les étrangers à la foi juive est détourné de sa vocation. En chassant les marchands du Temple le Seigneur rappelle que si le peuple juif a été choisi entre tous c’est pour annoncer à tous les peuples la Révélation divine.

Cette première lecture de la parabole est universaliste puisque les deux fils représentent l’ensemble du genre humain : les Nations païennes et le peuple élu.

3. L’interprétation juive de la parabole

            Sans la contredire, une seconde lecture est possible. Elle tient compte de ceux à qui le Seigneur adresse cette parabole : les Grands Prêtres et les Anciens du peuple (cf. Mt 21, 23). Ces derniers, le Seigneur les compare au second fils : celui qui des lèvres affirme qu’il va œuvrer à la vigne du Seigneur mais qui n’en fait rien. Les autorités religieuses d’Israël qui des lèvres prêchent l’espérance du Messie à venir, n’ont pas plus reconnu en Jean-Baptiste le dernier prophète, qu’en Jésus le Roi-Messie. Bientôt, elles manipuleront la foule pour livrer  Jésus aux autorités romaines faisant crier sur son passage : « Qu’il soit crucifié ! […] Qu’il soit crucifié ! » (Mt 27, 22-23). C’est pourquoi le Seigneur leur déclare en suite de la parabole : « Jean-Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice et vous n’avez pas cru à sa parole […] vous ne vous êtes même pas repentis plus tard… ». Sous-entendu : il en sera de même en suite de ma crucifixion.

Hieronymus BOSCH, Christ portant la Croix, 1510-35, Museum of Fine Arts, Ghent, Belgique

Si le second fils représente les autorités religieuses d’Israël, le premier fils incarne quant à lui le petit peuple, celui qui non seulement s’est repenti à la prédication de Saint Jean Baptiste mais vient d’accueillir aux portes de Jérusalem, en Jésus, le Roi Messie : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! » (Mt 21, 9).

Georges de La Tour, Marie-Madeleine à la veilleuse, 1640-45, Musée du Louvre, Paris

C’est dans cette perspective que le Seigneur interroge les Autorités religieuses juives : « Lequel des deux fils a fait la volonté du père ? » – « Le premier fils » répondent-elles. C’est pourquoi le Seigneur leur déclare non sans provocation : « les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu » car, repentis de leurs fautes, ils ont cru. Pensons à Saint Matthieu le publicain qui nous rapporte cet Evangile (Mt 9, 9-13) ou encore à Marie Madeleine la fille de joie. Tous deux se sont repentis de leur mauvaise vie et se sont mis à la suite du Christ. Ils précéderont Grands Prêtres et Anciens du peuple dans le Royaume de Dieu. En effet, comme le Seigneur l’enseigne dans l’Evangile, Il n’est pas venu appeler des justes mais des pécheurs (Cf. Mt 9, 13).

Epilogue à Notre Dame de Lourdes

A l’approche du pèlerinage de la Bigorre à Lourdes nous entendons comme en écho à cette page d’Evangile la Vierge Immaculée nous appeler au repentir de nos fautes : Priez Dieu pour la conversion des pécheurs ; Pénitence ; Allez à la source, boire et vous y laver. Frères et sœurs bien-aimés répondrons-nous à son invitation : Voulez-vous avoir la grâce de venir ici… ? La Sainte Vierge nous attend à la Grotte afin de nous conduire auprès de son Fils, Il est la source de toutes nos soifs. Puisse-t-Il avoir pitié de nous, pauvres pécheurs, et nous ouvrir les portes de Son Royaume, ainsi soit-il.

abbé Benjamin MARTIN

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