Des noces de la Rédemption

Dimanche 11 octobre 2020


Evangile selon Saint Matthieu 22, 1-14 :

Ecouter l’homélie :


Frères et sœurs bien-aimés,

Voilà plusieurs dimanches que nous entendons les paraboles que le Seigneur délivre au Temple de Jérusalem, quelques jours avant la fête de Pâque, celle où Il va être livré.

Pourtant tout avait bien commencé…

Pietro LORENZETTI, L’entrée du Christ à Jérusalem, fresque, Basilique Saint François, Assise

1. Le contexte des paraboles adressées aux Grands Prêtres et Anciens du peuple

Le Seigneur montant à la ville Sainte vient d’être acclamé aux portes de la cité de David comme le Messie. La foule des pèlerins qui l’accompagnait l’acclame alors par des cris de liesse : « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! » (Mt 21, 9).

Comme lors de l’entrée des Mages (Cf. Mt 2, 1-6), la ville de Jérusalem plus sceptique s’interroge : « Qui est cet homme ? » (Mt 21, 10). De même en est-il pour les autorités religieuses en suite de cette entrée triomphale mais également de la purification du Temple que le Seigneur vient d’opérer. Parvenu au parvis des Gentils – c’est-à-dire des non-Juifs à qui Dieu avait prévu une place dans l’enceinte de sa demeure – le Seigneur en chasse les marchands. Voilà pourquoi les Grands Prêtres comme les Anciens l’interrogent : « Par quelle autorité fais-tu cela, et qui t’a donné cette autorité ? » (Mt 21, 23) ; sous-entendu cette autorité est de notre ressort, or nous ne t’avons investi d’aucune mission.

Si le Seigneur ne leur répond pas ouvertement mais sous le voile des paraboles, c’est qu’il appartient à leur ministère de reconnaître et d’authentifier le Messie en raison des signes qu’Il accomplit. Souvenons-nous à ce sujet de ce que le Seigneur faisait rapporter à Saint Jean-Baptiste dans sa captivité :

Les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle. (Mt 11, 4-5).
Nicolas COLOMBEL, Le Christ guérissant un aveugle, 1682, Art Museum, Saint Louis, USA

Tout cela se vérifie. Ne croyons pas que les autorités religieuses ont attendu que le Seigneur vienne à Jérusalem pour se renseigner à son sujet. Déjà lors de la venue des Mages – c’est-à-dire lors de la vie cachée du Seigneur – elles avaient répondu au roi Hérode que le Messie devait naître non loin de là, dans la ville de Bethléem. Et lors de sa vie publique les guérisons miraculeuses comme les nombreux exorcismes, accompagnés d’un enseignement délivré avec autorité, étaient autant de signes permettant aux Grands Prêtres et aux Anciens du peuple de reconnaître officiellement en Jésus le Messie de Dieu. Même le grand retentissement de la résurrection de Lazare n’y a rien fait (Cf. Jn 11, 1-14). Au lieu de se réjouir de la venue du Messie et de le présenter à l’espérance du peuple d’Israël, elles cherchent à s’en débarrasser le livrant honteusement à l’occupant romain pour qu’Il soit crucifié. En cela le Seigneur ne fait pas exception au sort que ces mêmes autorités à travers les âges ont réservé aux prophètes. Mis à part Elie monté au Ciel dans son char de feu, les prophètes ont été mis à mort aux portes de Jérusalem. C’est le sens de la parabole que nous avons médité dimanche dernier dans laquelle le Seigneur comparait Grands Prêtres et Anciens aux vignerons homicides (Cf. Mt 21, 33-43). Non seulement ils ont condamné les prophètes envoyés par Dieu mais ils ne tarderont pas à mettre à mort son propre Fils, notre Seigneur Jésus le Christ. En cela ces autorités se considèrent comme les propriétaires de la vigne et non plus comme des serviteurs de l’œuvre de Dieu.

La parabole des vignerons homicides, enluminure Speculum humanae salvationis, 1450, La Haye, Meermanno Koninklijke Bibliotheek, Pays-Bas

2. La parabole des noces de la Rédemption         (Mt 22, 1-14)

 La parabole que nous venons d’entendre en ce Dimanche se situe dans cette même perspective. Elle retrace dans une première partie l’ensemble de la Révélation divine (Mt 22, 1-9) et s’achève lors du Jugement dernier (Mt 22, 10-14).

Ainsi les noces de ce fils de roi sont l’image des « noces de la rédemption »[1] au cours desquelles le Fils de Dieu s’unit au genre humain. Telle est l’Alliance nouvelle et éternelle contractée sur le bois de la Croix par amour pour les pécheurs.

Les premiers serviteurs de la parabole allant appeler les invités sont l’image des Patriarches guidant le peuple élu. Mais sitôt libéré de l’esclavage en Egypte, voilà ce peuple  récriminant contre Dieu allant jusqu’à lui préférer un veau d’or. Comme les invités de la parabole ils ne voulaient pas de ces noces de la Rédemption. Ils se détournent de ce Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour (Cf. Ps 145, 8)

Nicolas POUSSIN, L’adoration du veau d’or, 1633-37, National Gallery, Londres, UK

Les seconds serviteurs que Dieu envoie pour inviter à la noce sont les prophètes qui à temps et à contretemps viennent rappeler l’Alliance ravivant en cela l’espérance messianique d’Israël. Mais là encore ces invités n’ont pas voulu se rendre au festin des noces de l’Agneau. Ils préfèrent vivre comme si Dieu n’existait pas allant l’un à son champ, l’autre à son commerce. Les Grands Prêtres et Anciens du peuple à qui le Seigneur adresse cette parabole sont alors comparables à ces invités qui « empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent » (Mt 22, 6).

Alors Dieu envoya d’autres serviteurs inviter plus largement aux noces de la Rédemption. Ce sont les Apôtres envoyés à travers le monde pour appeler les Hommes au salut par la foi. Ils vont à la croisée des chemins appeler les hommes de toutes races, langues, peuples et Nations (Cf. Ap 5-9).

Charles POERSON, La prédication de Saint Pierre à Jérusalem, 1642, Cathédrale ND de Paris

La première partie de la parabole retrace donc l’histoire de la Révélation. Il y a les invités issus du peuple élu et ceux venant des Nations païennes. En ce sens nous pouvons déjà entendre résonner la conclusion de la parabole « Beaucoup sont appelés mais peu sont élus » (Mt 22, 14). Ne sont pas forcément élus au Royaume de Dieu ceux qui sont issus du peuple de l’ancienne Alliance. En cela, les derniers venus à la foi seront les premiers et les premiers derniers (Cf. Mt 20, 16) .

***

La seconde partie de la parabole nous place dans la salle des noces. C’est l’image du Royaume des Cieux, du moins de son antichambre. Le roi venant examiner les convives est alors l’image de Dieu venant jauger les âmes au Dernier Jour. En effet, le Seigneur a précisé dans la parabole que se trouvent réunis dans cette salle des noces « les mauvais comme les bons » (Mt 22, 10). L’heure est donc venue de rendre à chacun selon ses œuvres.

Andrea Kostiaev , Vladimir Ermilov, Nikolay Ermilov, la parabole du banquet des noces du fils du roi, XXe siècle, Maison Sainte-Geneviève à Épinay-sous-Sénart, Essonne

Ainsi l’homme n’ayant pas le vêtement de noces est l’image de celui qui n’est pas jugé digne du Royaume de Dieu. Ce peut être le pécheur invétéré qui, jusqu’à son dernier souffle se sera refusé à l’amour de Dieu et du prochain. Ce peut être encore celui qui n’aura vécu ici-bas que pour ses champs et son commerce, son fauteuil et sa télévision, son frigo et son compte en banque… laissant pour plus tard la question essentielle du Royaume de Dieu et sa justice. Cet homme n’ayant pas le vêtement des noces peut-être également l’image de celui qui n’aura pas reçu le Baptême ou qui ne l’aura pas vécu sa vie durant. Souvenons-nous qu’en suite de notre Baptême nous avons reçu le vêtement des noces de la Rédemption sur ces paroles [2] :

Recevez ce vêtement blanc. Puissiez-vous le porter sans tâche jusqu’au tribunal de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de manière à posséder la vie éternelle.

Liturgie du Baptême

La finale de la parabole va dans ce sens : « beaucoup sont appelés mais peu sont élus » (Mt 22, 14). Le Seigneur manifeste ici que si nous sommes appelés à demeurer au Royaume des Cieux, l’élection appartient à Dieu seul. Nous ne devons pas, frères et sœurs bien-aimés, prendre pour acquis notre salut. Au contraire nous devons, chaque jour que Dieu nous donne, contribuer à son règne. Et si par nos péchés nous entachons la robe nuptiale de notre baptême nous devons recourir au sacrement de la confession en nous efforçant de réparer nos fautes.

***

Alors que le pèlerinage de la Bigorre approche et que nous nous rendrons à Lourdes dimanche prochain, nous entendons comme en écho à cette parabole la Sainte Vierge nous exhorter à la prière pour les pécheurs que nous sommes, à la conversion et à la pénitence.

            Une religieuse disait un jour à Sainte Bernadette combien elle avait de la chance d’être assurée d’aller au Ciel puisque la Belle Dame lui avait promis non pas le bonheur de ce monde mais de l’autre. Ce à quoi horrifiée notre Bigourdane lui répondit : « Mon ciel ? Je dois me le gagner ». Sainte Bernadette n’a pas pris la promesse de la Dame comme une assurance absolue mais comme un appel. Beaucoup sont appelés, peu sont élus.

            Supplions Notre Dame de Lourdes et Sainte Bernadette de disposer nos âmes au règne de Dieu afin d’entendre au dernier jour le Roi du Ciel nous déclarer comme dans cette autre parabole du Seigneur : « Entre, bon et fidèle serviteur, dans la joie de ton Maître » (Mt 25, 23), ainsi soit-il.

abbé Benjamin MARTIN


[1] Nous reprenons ici cette expression de Saint Augustin, Traité 8 sur Jean.

[2] Liturgie du Baptême, remise du vêtement blanc.

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