– Homélie pour le XVème Dimanche du Temps Ordinaire, année A –

Dimanche 12 juillet 2020

Van GOGH, Le Semeur au soleil couchant, juin 1888, huile sur toile,
Otterlo, Kröller-Müller Museum, Pays-Bas
Evangile de Jésus Christ selon Saint Matthieu 13, 1 – 23 :
Homélie Du Semeur :

Frères et sœurs bien-aimés,

La page d’Evangile que nous venons d’entendre est assez unique en son genre[1]. Nous y entendons non seulement une parabole du Divin Maître (Mt 13, 3-9) – Voici que le Semeur sortit pour semer – mais Saint Matthieu nous rapporte également l’explication, qu’en privé, le Seigneur délivra aux Apôtres (Mt 13, 18-23).

Avant d’en venir à la parabole du Semeur comme à son approfondissement (2), revenons sur le dialogue qui s’y intercale (Mt 13, 10-17) (1) :

Les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi leur parlez-Vous en paraboles ? » Il leur répondit : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume des Cieux, mais ce n’est pas donné à ceux-là ». (Mt 13, 10-11)
Vincent VAN GOGH, Le Semeur, octobre 1888, huile sur toile, Villa Flora, Winterthur, Suisse.

1. « Si je leur parle en parabole… » (Mt 13, 10-17)

En montant dans sa barque voguant en porte-voix sur les bords de la mer de Galilée, le Seigneur s’adresse à une foule nombreuse se tenant sur le rivage (Cf Mt 13, 1-2). Celle-ci, dans sa diversité, est composée de malades et de biens portants ; de gens simples et de notables plus instruits ; de fidèles à la Loi Juive comme d’étrangers avec leur religiosité païenne. C’est une foule comme on en rencontre dans l’Evangile du milieu de laquelle surgissent tout autant les questions des Pharisiens, des Scribes que des Docteurs de la Loi.

Devant une telle diversité intellectuelle et culturelle, bien plus désireux de toucher les cœurs des plus simples que de polémiquer avec les savants, le Seigneur s’adresse aux foules en paraboles. « Si je leur parle en paraboles, [reconnaît-il aux Apôtres] c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre » (Mt 13, 13). Mais reprenant la prophétie d’Isaïe (Is 6, 9-10) qu’il accomplit (cf. Mt 13, 14-15), le Seigneur conclut : « je les guérirai » (Mt 13, 15).

En cela le Seigneur nous invite chacun à méditer, à travers les réalités de ce monde celles du Royaume de Dieu qui vient. Telle est la finalité des paraboles. Elles anticipent ce que nous contemplerons au Ciel. Là-haut nos yeux verront le mystère de Dieu et nos oreilles entendront le Verbe Incarné.

Si les foules sont donc invitées à méditer la portée symbolique des paraboles, le Seigneur a pour coutume d’en dévoiler quelques mystères afin d’aiguiller les disciples qui se sont mis à son école. Parmi eux, le Seigneur enseigne tout particulièrement les Apôtres qu’il s’est choisi. C’est à eux qu’Il déclare ici : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume des Cieux, mais ce n’est pas donné à ceux-là » (Mt 13, 11). Une telle lecture pourrait nous laisser penser que le Seigneur se désintéresse de nous. Après tout, ne sommes-nous pas de ceux qui entendent sans comprendre ? De ceux qui regardent sans vraiment voir ? De ceux qui détournent le regard peinant à se convertir ? (Cf. Mt 13, 14-15 ; Is 6, 9-10)

Non. En déclarant aux Apôtres – « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume des Cieux » (Mt 13, 11) – le Seigneur les renvoie à leur mission. C’est aux Apôtres qu’il appartient, à la suite du Christ, d’enseigner l’Eglise des disciples. Nous ne sommes donc pas laissés de côtés. Au contraire, pour répondre aux diversités intellectuelles et culturelles, le Seigneur envoie des Pasteurs à son Eglise pour nous communiquer les mystères du Royaume qui vient. Ce désenveloppement des mystères de foi accompagne la marche de l’Eglise ici-bas. Elle borne alors ce chemin de foi, d’autant de dogmes afin de nous conduire, assistée en cela du Saint Esprit, vers la vérité toute entière (Cf. Jn 16, 13)

Si les Apôtres et les Evêques leurs successeurs aujourd’hui ont la charge d’enseigner dans l’Eglise la vraie foi, cette mission nous incombe également, chacun à notre niveau, en raison de la foi professée au jour de notre Baptême : les Evêques et les prêtres leurs collaborateurs, enseignent les fidèles ; les fidèles, pères et mères de familles, ont pour mission de communiquer les secrets du Royaume de Dieu à leurs enfants. De même en est-il du rôle des grands-parents, si important de nos jours dans la transmission de la foi. L’Eglise des Apôtres compte sur vous, frères et sœurs bien-aimés, pour éveiller vos enfants et petits-enfants aux choses de Dieu. C’est le mystère de l’Eglise domestique qui se donne à voir ici, cette Eglise que vous formez chacun en vos foyers.

Certes, contrairement aux Apôtres, vous n’avez pas la science infuse, cette connaissance des mystères dont ils étaient abreuvés. Les Apôtres en effet, comme le reconnaît le Seigneur, sont au plus près de la Révélation. C’est à eux qu’il déclare en vérité :

Heureux vos yeux puisqu’ils voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent ! Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. (Mt 13, 16-17)

Nous avons donc à nous mettre, frères et sœurs bien-aimés, à l’école des Apôtres. Nous réclamons ce jour leur intercession pour, à leur suite, « avancer en eau profonde » (Lc 5, 4) à la rencontre du Seigneur car Il vient.

Puissent les Saints Apôtres guider la barque de Pierre au port de la vraie Foi, nourrir notre Espérance et affermir notre Charité. Puissent-ils guider nos Pasteurs et supplier Dieu le Saint Esprit d’assister l’Eglise en ces temps tourmentés.

Vincent VAN GOGH, Semeur avec Couchant, 1888,
huile sur toile, La Fondation Bührle, Zurich, Suisse.

2. « Voici le Semeur sortit pour semer » (Mt 13, 3-9 ; 18-23)

Venons-en à présent à la parabole que le Seigneur nous livre ce matin. Le Seigneur s’apparente au Semeur venu dans le monde pour semer la foi en y répandant son amour rédempteur.

Ce grain de foi que le Seigneur sème en nous, tombe dans la terre de notre âme qui dépend alors de son entourage familial. Ce don de la foi qui accompagne le jeune baptisé a besoin que la terre de son âme soit entretenue par la foi de sa famille comme de sa paroisse. D’où l’importance frères et sœurs bien-aimés, de l’Eglise domestique que vous formez en vos maisons. Il vous appartient non pas de semer la foi – c’est un don de Dieu – mais de l’éveiller en prenant soin de la vie spirituelle de vos foyers, de l’éclosion de la prière à la formation chrétienne jusqu’à la vie de Charité. Il faut donc en bon père et mère de famille, veiller à ce que les sécheresses des disputes et rivalités, l’enlisement dans les soucis du quotidien, les ronces de l’épreuve n’aient pas raison de la foi, parfois sans grandes racines, de vos enfants.

Mais nous comprenons alors qu’il nous faut chacun – adulte dans la foi – prendre soin de la vie de notre âme. C’est justement les différents états d’âme que le Seigneur décrit dans cette parabole. En cela, le Seigneur nous dépeint également le monde dans lequel notre foi germe, monde qui exerce ses influences. Il n’est pas difficile d’entrapercevoir dans les images de la parabole la sécheresse spirituelle de la France et plus largement de l’Europe, terre étouffée par les ronces de l’athéisme ambiant et jonchés d’autant de pierres d’apparence insurmontables. Mais ne désespérons pas. Sous les pierres et les ronces de ce monde qui passe, se trouve la bonne terre du Royaume de Dieu. Terre qui en raison des nombreux Saints qui l’ont ensemencée, est en germe dans le silence de nos paroisses comme dans le creuset de notre prière.

Vincent VAN GOGH, La moisson, 1889, Essen, Museum Folkwang, Allemagne

Chacun pourra, au long de la semaine, méditer la richesse de cette parabole : y interroger ses états d’âme ; y relire sa vie de foi ; situer à sa lumière où en sont nos enfants et petits-enfants ; où va le monde…

Soyons sûrs d’une chose : Celui qui a semé en nos âmes la Foi, l’Espérance et la Charité, veille dans sa Providence à ce que nous ne sombrions pas dans les ténèbres de la nuit de ce monde.

Ecoutons, pour nous rassurer, comment sur sa lyre, le roi David chante l’amour que le Seigneur met à prendre soin de la bonne terre de nos âmes :

Vous visitez la terre [Seigneur] et vous l’abreuvez […] vous arrosez les sillons, Vous aplanissez le sol,Vous le détrempez sous les pluies,vous bénissez les semailles […]sur votre passage, ruisselle l’abondance. (Ps 64 (65), 10-14)

Ainsi soit-il.

abbé Benjamin MARTIN


[1] Le chapitre 13 de l’Evangile selon Saint Matthieu rapporte deux explications de paraboles du Seigneur. Celle du Semeur puis celle de l’ivraie.

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