En ce jeudi 16 avril nous faisons mémoire de la naissance de Joseph Ratzinger – le 16 avril 1927 – comme de son élévation au Souverain Pontificat – le 16 avril 2005 – sous le nom de Benoît XVI. Cette date du 16 avril, pour nous Bigourdan, résonne d’un écho particulier, celui de la Grotte de Lourdes. C’est en date du 16 avril 1879 que Sainte Bernadette – en religion Sœur Marie-Bernard – rend son dernier souffle, le crucifix contre son cœur. Nous sommes alors, comme nous en ces jours, dans l’Octave pascale.
Au jour de Pâques, le dimanche 13 avril 1879, Bernadette est à l’infirmerie du Couvent Saint-Gildard de Nevers, tout près de la chapelle. De l’infirmerie, Sœur Saint-Cyr nous rapporte que Bernadette toussait continuellement. C’est à elle qu’elle livre cette confidence :
Ce matin, après la Sainte Communion, j’ai demandé à Notre Seigneur 5 minutes de répit pour pouvoir lui parler à mon aise. Mais il n’a pas voulu me les donner… Ma passion durera jusqu’à ma mort.
Le lundi de Pâques, Bernadette reçoit la visite de Sœur Bernard Dalias dont voici le témoignage :
La malade a le visage tourné vers le mur et ne bouge pas […] Je vais m’appuyer un instant au pied de son lit pour la voir une dernière fois. Alors, avec une de ses petites mines d’enfant qu’elle avait toujours gardée, [elle] ouvrit un œil qu’elle tourna vers moi en me faisant un petit signe pour que je m’approche… Sa main amaigrie effleure la mienne : « Adieu… Bernard, me dit-elle, cette fois c’est bien fini ». D’un élan de vénération, j’allais porter cette petite main à mes lèvres, mais elle la remit très vite sous les couvertures. (L583)
Cette main retirée est l’occasion pour Sœur Bernard Dalias de revenir sur la première fois où Sainte Bernadette la lui avait tendue. Cherchant à savoir qui parmi les sœurs du Couvent était la fameuse voyante de Lourdes, Sœur Bernard ne put retenir son étonnement en découvrant la Bigourdane : « Bernadette ? Ce n’est que ça ? ». Souriante, Bernadette lui tendit la main. C’est cette rencontre qui habite la fin de son témoignage :
A cette première rencontre Bernadette m’avait tendu cette même main en souriant. Aujourd’hui, elle la retirait… Nos douze années de tendre amitié se trouvent ainsi encloses entre deux poignées de main… Elle n’avait pas remarqué la présence de mes compagnes, ce qui me valut ce privilège d’un adieu personnel ».
C’est ce même jour, le lundi de Pâques, que la fille du meunier de Lourdes déclara à Sœur Léontine
Je suis moulue comme un grain de blé.
Sainte Bernadette, L 585
Congestionnée, le genou tuméfié par la carie des os, elle lui confia : « Je n’aurais pas cru qu’il faut tant souffrir pour mourir » (L 585). Peu à peu le grain de blé se détache pour tomber en terre… (Cf. Jn 12, 24-26)
Dans la nuit du lundi au mardi de Pâques Bernadette entre, selon les termes de son confesseur, en « agonie spirituelle ». Il l’entend répéter plusieurs fois « Va-t-en Satan ! ». Au matin, Bernadette confie à l’abbé Febvre combien « le démon avait cherché à l’effrayer » mais invoquant le Saint Nom de Jésus « tout avait disparu » (L 586). Ressentant alors « une oppression très forte », elle se confessa recevant l’absolution in articulo mortis et reçut la Sainte Communion. Ecoutez l’abbé Febvre nous rapporter la vivacité de Bernadette :
Comme je lui disais de renouveler avec amour le sacrifice de sa vie, elle me répondit avec une vivacité surprenante : - « Quel sacrifice ? Ce n’est pas un sacrifice de quitter une pauvre vie dans laquelle on éprouve tant de difficultés pour appartenir à Dieu ». (L 587).
Puis, à la lecture qu’on lui fait de l’Imitation de Jésus Christ, peinant à répéter les invocations, elle nous lègue cette mise en garde :
Que l’auteur de l’Imitation a donc raison d’enseigner qu’il ne faut pas attendre au dernier moment pour servir Dieu ! On est capable de si peu de chose !
Le soleil se couchant sur sa vie, elle confie à Sœur Nathalie :
Ma chère sœur, j’ai peur. J’ai reçu tant de grâces et j’en ai si peu profité.
Sainte Bernadette
Après une nuit de souffrance, nous voici parvenu à ce mercredi 16 avril. En cette ultime matinée ici-bas, Bernadette est assise au fauteuil de l’infirmerie, le crucifix à la main. Elle embrasse une plaie, prie avec les sœurs qui l’a veille, contemple son Seigneur sur la croix. Elle s’exclamera d’ailleurs, non de douleurs mais de surprise, en fixant un point fixe, trois « Oh » d’une exclamation qui fit frémir tout son corps. Que voit-elle ? Qui voit-elle ? Elle en emportera sous peu le secret.
Un peu après trois heure, Sœur Nathalie répond au geste expressif de Bernadette qui a soif. Ecoutons le témoignage de ses derniers instants :
[Bernadette] fait un grand signe de croix, saisit le flacon contenant le breuvage fortifiant qu’on lui présente, en avale à deux reprises quelques gouttes, et inclinant la tête, elle rend doucement son âme. (L 611)
Près d’elle, se trouve Sœur Gabrielle, l’infirmière, dont voici le témoignage :
Je suis arrivée à temps pour recevoir son dernier soupir qu’elle a rendu très doucement, appuyée sur mon bras. Elle tenait son crucifix à la main, en l’appuyant sur son cœur. […] Elle était penchée sur le côté droit. (L 611).
Prions ardemment Sainte Bernadette en ce jour où elle rendit son dernier souffle. Qu’elle en donne à tous ceux qui en manquent en ces temps difficiles. Je vous bénis, vous adressant la salutation pascale : v/ « Le Christ est ressuscité » (cf. lettre de Pâques)
abbé Benjamin MARTIN