Jeudi Saint, 9 avril 2020
En ce jour du Jeudi Saint, contemplons l’amour avec lequel le Seigneur se livre, sans retard ni retour. En instituant le sacrement de son amour, le Seigneur demeure présent mais caché. Déjà le prophète Isaïe s’en étonnait : « vraiment vous êtes un Dieu qui se cache, Dieu d’Israël sauveur » (Is 45, 15).
Le Seigneur demeure caché dans les saints mystères. Pour eux, il institue tout d’abord le sacrement de l’ordre. Sur son ordre, tous les sacrements en dépendent : « vous ferez cela en mémoire de moi » (1 Co 11, 24) confie-t-il aux Apôtres.
Pour vivre ce jour dans un esprit d’adoration, je joins à cette lettre le chant de l’Adoro te devote. Au commencement de ce jour, il est bon d’entrer dans la contemplation de Saint Thomas d’Aquin :
Dévotement, je vous adore, Dieu caché
Qui sous ces apparences vraiment prends corps,
À vous, mon cœur tout entier se soumet
Parce qu'à vous contempler, tout entier il s'abandonne.
Cette hymne, composée à la demande du Pape Urbain IV en 1264, habite l’office de la Fête Dieu aux côtés de la Séquence Lauda Sion et du Pange lingua dont les strophes finales nous sont bien connues. Elles résonnent du Tantum ergo sous les volutes de l’encensoir.
Laissez ce chant résonner dans les profondeurs de votre âme. Méditez l’art de la synthèse si caractéristique de la plume de Saint Thomas. Il n’a d’égal que la profondeur de sa contemplation mise au service de la pédagogie de la foi.
Si les particularités de cette Semaine Sainte contrarient notre présence au mémorial de la Cène, qu’elles n’étouffent pas notre soif d’adoration. En esprit et en vérité, prenons spirituellement place au Reposoir. Le voile qu’évoque Saint Thomas dans la strophe finale de son hymne revêt pour nous une nostalgie particulière :
Jésus, que sous un voile, à présent, je regarde,
Je vous en prie, que se réalise ce dont j'ai tant soif,
Vous contempler, la face dévoilée…
Que le voile recouvrant la Pâque du Seigneur en ces temps difficiles attise notre soif. Bientôt nous retrouverons nos églises afin de nous abreuver aux sources de Celui dont nous avons tant soif. Bientôt, mais dans la Patrie, le voile cachant le Seigneur dans l’Hostie Sainte se lèvera. Alors, nous Le verrons face à face.
Ce soir, en lieu et place de l’adoration au Reposoir, je vous invite à répondre à l’invitation lancée par le Seigneur au jardin des oliviers : « Mon âme est triste à en mourir (…) ne pouvez-vous veiller une heure avec moi ? (Mt 26, 38-40). Je vous donne donc rendez-vous ce soir, à partir de 20h, pour un concert spirituel dans lequel nous entendrons battre le cœur du Seigneur.
Depuis son autel, je vous bénis chacun au commencement de ce Saint Jour d’adoration où l’amour se donne à aimer.
abbé Benjamin MARTIN
Adoro te devote
Saint Thomas d’Aquin
1. Adoro te devote, latens Deitas, Quae sub his figuris vere latitas: Tibi se cor meum totum subjicit, Quia te contemplans totum deficit. 2. Visus, tactus, gustus in te fallitur, Sed auditu solo tuto creditur; Credo quidquid dixit Dei Filius: Nil hoc verbo Veritatis verius. 3. In cruce latebat sola Deitas, At hic latet simul et humanitas; Ambo tamen credens atque confitens, Peto quod petivit latro poenitens. 4. Plagas, sicut Thomas, non intueor; Deum tamen meum te confiteor; Fac me tibi semper magis credere, In te spem habere, te diligere. 5. O memoriale mortis Domini! Panis vivus, vitam praestans homini! Praesta meae menti de te vivere Et te illi semper dulce sapere. 6. Pie pellicane, Jesu Domine, Me immundum munda tuo sanguine; Cujus una stilla salvum facere Totum mundum quit ab omni scelere. 7. Jesu, quem velatum nunc aspicio, Oro fiat illud quod tam sitio; Ut te revelata cernens facie, Visu sim beatus tuae gloriae. | 1. Dévotement, je vous adore Dieu caché Qui sous ces apparences vraiment prends corps, À vous, mon cœur tout entier se soumet Parce qu’à vous contempler, tout entier il s’abandonne. 2. La vue, le goût, le toucher, en vous font ici défaut, Mais vous écouter seulement fonde la certitude de foi. Je crois tout ce qu’a dit le Fils de Dieu, Il n’est rien de plus vrai que cette Parole de vérité. 3. Sur la croix, se cachait votre seule divinité, Mais ici, en même temps, se cache aussi votre humanité. Toutes les deux, cependant, je les crois et les confesse, Je demande ce qu’a demandé le larron pénitent. 4. Vos plaies, tel Thomas, moi je ne les vois pas, Mon Dieu, cependant, vous l’êtes, je le confesse, Faites que, toujours davantage, en vous je croie, Je place mon espérance, je vous aime. 5. O mémorial de la mort du Seigneur, Pain vivant qui procure la vie à l’homme, Procurez à mon esprit de vivre de vous Et de toujours savourer votre douceur. 6. Pieux pélican, Jésus mon Seigneur, Moi qui suis impur, purifiez-moi par votre sang Dont une seule goutte aurait suffi à sauver Le monde entier de toute faute. 7. Jésus, que sous un voile, à présent, je regarde, Je vous en prie, que se réalise ce dont j’ai tant soif, Vous contempler, la face dévoilée, Que je sois bienheureux, à la vue de votre gloire. |