Samedi Saint, 11 avril 2020
Nous voici au jour du Samedi Saint. Un jour plein et entier. Entre ce Vendredi qui nous a réunis au tombeau et ce Dimanche qui nous attend en son jardin, il peut sembler dérisoire. Pourtant il n’en est rien. Le Samedi Saint doit laisser résonner le mystère de son silence.
En nous invitant à demeurer au seuil du tombeau, il ne nous invite pas à contempler le mystère d’une pierre qui n’a pas encore été roulée. Il nous dit le silence de la mort. Dieu qui sur le bois a pris nos péchés, en paye ici le lourd tribut. Il est vraiment mort.
Ne chantons pas du bout des lèvres l’un de ses Alléluia qui peuple nos ordinaires. Au contraire, chantons-le à pleine voix en cantique nouveau. Cette nouveauté s’enracine au silence de son tombeau.
Devenus peu à peu familier de la voie d’enfance, vous devez bien sentir que ce n’est pas une porte fermée qui nous arrêtera. Au contraire, le mystère qu’elle renferme ne nous en appelle que davantage… Mais, de peur de trahir l’intimité du Crucifié qui dans son linceul repose, faute de rouler la pierre, en ce Samedi Saint, nous y posons l’oreille. C’est alors que son silence nous dévoile ses mystères.
Il nous rappelle que si nous espérons ressusciter, et ressusciter pour la vie éternelle, la condition mortelle sera notre tombeau. Dans cette perspective funeste – n’ayons pas peur des mots – le silence du Samedi Saint en appelle à ce devoir de mémoire pour nos fidèles défunts. Ils sont au tombeau avec le Seigneur. Et s’ils sont au tombeau avec Lui en ce jour – du mystère déployons la logique – ils l’accompagneront dans le mystère de Sa Résurrection au dernier Jour.
Cependant attention, il ne s’agit pas que d’une pieuse pensée. L’oreille à la pierre non-roulée nous dit, dans le silence du tombeau, une descente bien plus profonde. Que nous enseigne le credo du mystère de ce Saint Jour ? – « Le Seigneur est descendu aux enfers ». Les mots de la foi nous disent le mystère du Samedi Saint. Dans le mystère de Sa mort, le Seigneur descends dans les enfers. Attention il ne s’agit pas d’un combat avec le Diable en enfer ; de plus ce dernier n’est ici-bas qu’en probation.
Il s’agit pour le Nouvel Adam de descendre sauver le premier. Le vieil Adam attend la délivrance depuis le commencement, ou si peu après…
Du jardin du commencement dont le Paradis terrestre nous est perdu ; le mystère de ce Jour nous conduit à ce même jardin, prémisse d’un Paradis retrouvé. Notez que n’avons pas perdu au change. La perte du Paradis terrestre nous a valu le Paradis Céleste. Méditons donc, en ce Jour du grand silence, et la mort et la Vie.
Pour donner quelques reliefs à cette brève méditation, je joins à cette lettre un Introït bien singulier, celui de la Messe des Morts. Ecoutez son chant, il est puisé aux profondeurs de ce tombeau, à la pierre encore non-roulée. Mais celle-ci déroule jusqu’à débouler dans les enfers où les âmes de tous les justes attendent en prémisse, le premier des Ressuscités.
Accordez-leur le repos éternel, Seigneur, et que la lumière éternelle les illumine.
Dieu, il convient de chanter tes louanges en Sion ;
et de t'offrir des sacrifices à Jérusalem.
Accordez-leur le repos éternel, Seigneur, et que la lumière éternelle les illumine.
Dans l’attente pascale de pouvoir de nouveau vous bénir, je vous salue.
abbé Benjamin MARTIN